5 Avril 2023

La France en route vers Jupiter

La sonde européenne JUICE débutera bientôt son long voyage jusqu’à Jupiter et ses lunes. Zoom sur la contribution française à cette mission d’exploration planétaire.

JUICE en bref 

JUICE, pour JUpiter ICy moon Explorer, est une sonde qui permettra de mieux connaître le système jovien (Jupiter et ses lunes), l’un des plus fascinants du Système solaire. Ce satellite vise 3 des lunes orbitant autour de la planète Jupiter : Ganymède, Europe et Callisto. Découvertes par le scientifique Galileo en 1610, celles-ci abriteraient les quatre éléments indispensables pour le développement de la vie : l’eau, l’énergie, la stabilité du système et les éléments chimiques basiques qui constituent les êtres vivants.

Arrivé en Guyane française le 09/02 dernier, le satellite a été accueilli en salle blanche afin de réaliser les dernières opérations de préparation au lancement. JUICE s’envolera à bord de la mission VA260 prévue pour le jeudi 13/04. Le lanceur Ariane 5 devra mettre son passager sur une trajectoire interplanétaire pour que ce dernier commence sa longue croisière dans l’Espace, qui durera presque 8 ans.

 

  La croisière de JUICE à travers le Système solaire durera presque 8 ans. Crédits : CNES.

La France à bord de JUICE 

Décidée en 2012, JUICE est la mission phare du programme Cosmic Vision de l’ESA, avec un budget de plus d’un milliard d’euros. Cette mission réunit une quinzaine de pays européens, en plus des Etats-Unis, du Japon et d’Israël. La France a contribué au développement de 6 instruments de pointe parmi les 10 à bord de la sonde. Cette contribution, pilotée par le CNES, a impliqué 9 laboratoires français du CNRS. De la même manière, 6 autres laboratoires les ont rejoints pour, dès à présent, anticiper et participer aux prochaines étapes de la mission : la calibration en vol des instruments et l’exploitation des données scientifiques.

 

Nous participons à 6 des 10 instruments scientifiques de JUICE avec les laboratoires et industriels français. Crédits : CNES.

Le rôle du CNES

« Le CNES était responsable du planning de livraison de la participation française aux 6 instruments, mais aussi garant de leur performance », explique Fréderic Courtade*, manager technique de la contribution instrumentale française à JUICE de 2015 à 2020. « L’ESA comptait sur l’engagement de l’agence spatiale française, précise-t-il, pour réceptionner dans les temps prévus les 6 instruments commandés ». 

Les interlocuteurs principaux de Fréderic étaient les responsables système et les architectes des divers laboratoires : « J’échangeais régulièrement avec eux pour connaître les avancées du projet, prendre part aux débats techniques et, en cas de difficultés, proposer l’intervention des experts du CNES ». 

Au sein du CNES, l’équipe JUICE comprenait un chef de projet, un responsable programmatique, un chargé de projet MAJIS - instrument majeur de la sonde - et un responsable technique de la contribution française aux instruments scientifiques ainsi que les acteurs incontournables de tout projet (assurance qualité, préparation de la documentation). Le responsable technique était chargé de partager avec l’équipe projet les bilans techniques résultant des réunions avec les divers partenaires, et de proposer les interventions des experts du CNES : « cela avec le double objectif de faire profiter le projet et d’impliquer nos équipes dans une mission d'une telle envergure ».

  

La contribution instrumentale française à JUICE

Des températures extrêmement basses et un niveau de radiation très fort rendent l’environnement du système jovien très agressif. Ces éléments constituaient le principal défi pour le développement de la composante instrumentale de la sonde. JUICE est ainsi équipé d’un sarcophage en alliage de plomb visant à protéger les électroniques des instruments les plus sensibles. 

MAJIS (Moons And Jupiter Infrared Spectrometer) est un spectromètre infrarouge qui permettra d’analyser les glaces des lunes joviennes et donc de répondre au premier objectif de cette mission. 
Cet instrument représente la 1ere contribution financière du CNES à la mission JUICE. Pilotée par le CNES, la participation française a été confiée à l’IAS (Institut d'Astrophysique Spatiale) et au LESIA (Laboratoire d'Etudes Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique), avec une participation forte de l’Italie et dans une moindre mesure de la Belgique.
MAJIS a également bénéficié de l’expertise de la Direction Technique et Numérique du CNES pour son développement. Plus particulièrement, nos équipes ont piloté les revues de l’instrument, sont intervenues au cours des essais mécaniques, pour les tests et le choix des composants, sur le design de l’alimentation de l’instrument et sa robustesse vis-à-vis des interférences électromagnétiques, sur le logiciel de vol et elles ont assuré l’approvisionnement des détecteurs - composants très sensibles pour la performance de MAJIS -  auprès d’un industriel américain. « En tant que leader de cet instrument, la France sera aussi l’acteur principal de l’exploitation scientifique de MAJIS : nous permettons ainsi à plusieurs scientifiques français de bénéficier des données recueillies par cet instrument », complète Fréderic. 

SWI est un radiotélescope submillimétrique qui permettra d’analyser les atmosphères de Jupiter et de ses lunes. La participation française a été assurée par le CNES et le LERMA (Laboratoire d’Etudes du Rayonnement et de la Matière en Astrophysique et Atmosphères). Plus particulièrement, l’agence spatiale française était chargée de fournir le synthétiseur de fréquence et les radiomètres qui sont au cœur de la performance. SWI est la 2e contribution de l’agence spatiale française à JUICE en termes financiers.

RPWI permettra de comprendre les ondes radio du plasma de la magnétosphère jovienne sur les exosphères, les surfaces et les océans des lunes. Quatre acteurs français ont contribué à la réalisation de cet instrument : le LPP (Laboratoire de Physique des Plasmas), le LPC2E (Laboratoire de Physique et de Chimie de l'Environnement et de l'Espace), le LESIA (Laboratoire d'Etudes Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique) et l’IRAP. Le LPP a conçu et fabriqué le Search Coil Magnetometer, un système intégré permettant de caractériser la magnétosphère de Jupiter et l’environnement magnétique propre aux lunes. Le LPC2E a fourni la carte électronique MIME qui permet d’obtenir les caractéristiques du plasma et des ondes. Le LESIA y a participé en tant que co-responsable scientifique de l’instrument, et l’IRAP s’est préparé, via le CDPP (Centre de Données de la Physique des Plamas) à intégrer les données de JUICE pour le bien de la communauté spécialiste du domaine. Les experts du CNES ont apporté leur connaissance des comportements instrumentaux dans des environnements agressifs comme celui de Jupiter, et aussi pour le développement du logiciel de vol de la carte MIME (utilisation de LVCUGEN). 

PEP se compose de petits instruments dispersés sur le satellite, destinés à capter les interactions se produisant dans les environnements de Jupiter et de ses lunes. La France a contribué à la réalisation de 2 composantes de cet instrument : pour JENI, un instrument de responsabilité américaine, elle a fourni les détecteurs destinés à capter l’énergie des ions et neutres (appelés MCP pour Micro Channel Plate) et pour JDC, un instrument suédois, elle a fourni l’alimentation haute tension. Ces 2 contributions ont été pilotées par l’IRAP, Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie, situé à Toulouse. 

UVS est un spectromètre ultraviolet, consacré à l’étude des exosphères des lunes et des aurores de Jupiter dont la responsabilité revenait aux Etats-Unis. La France a participé en fournissant le réseau de diffraction de l’instrument, qui a été conçu selon les spécifications données au LATMOS (Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales). Cet instrument a été le 1er à être livré au client satellite, c’est-à-dire l’ESA. Le CNES a participé à l’analyse des performances, et a validé la qualité de réalisation des réseaux fournis au laboratoire américain. La qualité du réseau de diffraction est importante car celui-ci se trouve en entrée de l’instrument, et tout défaut a une répercussion directe sur la performance de l’instrument. 

RIME est un radar pour détecter l’eau sous les banquises des lunes. Il mesurera la profondeur, les courants et l’épaisseur de la glace. L’IPAG, l’Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble, a travaillé sur cet instrument, au travers de la réalisation d’un logiciel de simulation de surface qui améliorera ces performances pour s’affranchir notamment, du signal radar réfléchi par la glace qui parasite les mesures.

*Aujourd’hui, Fréderic Courtade est chef du service mécanismes et équipements SCAO au CNES de Toulouse.